CONCORDE, POURQUOI MACH 2 ?
A partir du moment oĂč un gain en vitesse Ă©tait la raison dâĂȘtre de lâappareil, il Ă©tait intĂ©ressant dâaller le plus loin possible dans cette voie. Faire un avion capable de voler Ă 1500 km/h Ă©tait par exemple plus simple et plus facile. Mais la loi du progrĂšs, et celle de la concurrence exigent quâingĂ©nieurs et industriels fassent toujours le mieux possible : cette loi est impĂ©rative car il existera toujours, si elle est transgressĂ©e, un concurrent pour Ă©tudier et vendre lâavion que vous nâaurez pas su faire. Et la vitesse en aviation teste le facteur de progrĂšs n° 1.
Ceci dit, pourquoi précisément Mach 2, ou plus exactement Mach 1 à Mach 2,2 (2100 à 2350 km/h) ? Essentiellement pour des raisons métallurgiques.
La matiĂšre aĂ©ronautique par excellence est en effet lâaluminium et ses alliages. A partir de 130°C, ces alliages fluent, câest-Ă -dire admettent des dĂ©formations permanentes incompatibles avec la bonne tenue dâune structure dâavion. A moins dâabandonner lâaluminium, il fallait donc adopter la vitesse maximale compatible avec une tempĂ©rature de 130°C pour les piĂšces structurales. Par suite de lâĂ©chauffement cinĂ©tique, cette vitesse, prĂ©cisĂ©ment, est de Mach 2,2.
En rĂ©alitĂ©, le problĂšme nâest pas tout Ă fait aussi simple. La rĂ©sistance au fluage nâest pas seule Ă intervenir : la rĂ©sistance Ă la fatigue, la rĂ©sistance aux criques (propagation des fissures), les possibilitĂ©s dâusinage sont des Ă©lĂ©ments tout aussi importants. Le rendement global de lâavion et de ses moteurs sâaccroissant par ailleurs avec la vitesse, on ne pouvait prendre des marges trop importantes vis-Ă -vis des tempĂ©ratures admissibles : Concorde Ă©tait donc condamnĂ© Ă ĂȘtre de la classe Mach 2/Mach 2,2.
Dans cette Ă©troite fourchette, le choix de la vitesse de croisiĂšre dĂ©pend alors de la durĂ©e de vie sans rĂ©parations structurelles majeures. Lâavion devant ĂȘtre utilisable pendant douze Ă quinze ans, cela impose une durĂ©e de vie de 40.000 Ă 45.000 heures ; pour obtenir cette durĂ©e de vie, il faut accepter un lĂ©ger sacrifice sur la tempĂ©rature admissible, donc sur la vitesse : ainsi Concorde sera-t-il parfaitement utilisable Ă Mach 2,2, mais les compagnies auront intĂ©rĂȘt, pour atteindre la durĂ©e de vie recherchĂ©e, Ă ne lâutiliser sur les longs trajets quâĂ Mach 2,05, ce qui nâaura dâailleurs quâune faible rĂ©percussion (quelques minutes de vol) sur la durĂ©e dâune traversĂ©e transatlantique.
Lâalliage de base utilisĂ©, lâAU2GN (2618) nâa Ă©tĂ© adoptĂ© quâaprĂšs des annĂ©es dâessais intensifs portant sur des milliers dâĂ©chantillons et sur des Ă©prouvettes structurales reprĂ©sentatives. Pour certaine piĂšces, en particulier au niveau des nacelles motrices qui sont lâobjet dâun double Ă©chauffement (Ă lâĂ©chauffement cinĂ©tique sâajoute celui dĂ» aux moteurs), le titane et les aciers inoxydables seront cependant utilisĂ©s.