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Jean-Marc Jancovici

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Le gouvernement va dépenser 250 millions en 2023 pour le vélo, essentiellement pour les infrastructures. Que peut-on faire avec une telle somme ?
- construire 2500 km de pistes cyclables en bordure d'une voirie existante, ou 800 km si ce n'est pas le cas
- construire une petite centaine de franchissements d'obstacles (passerelle au-dessus d'une voie rapide, tunnel sous une 2x2 voies, etc).

Pour donner une base de comparaison, c'est le cout de 10 km de tramway ou 40 km d'autoroute neuve. Tous modes confondus notre pays met environ 15 à 20 milliards d'euros par an dans les infrastructures de transport (https://bit.ly/3y19WA4 ). Le plan annoncé par le gouvernement représente donc 1% de cette somme.

C'est assurément mieux que rien, et plus qu'avant. Mais pour un pays qui va voir 50% à 90% de son pétrole disparaître d'ici à 2050 (https://bit.ly/3CfVHtR ), ce ne peut être qu'un début. Dans le Plan de Transformation de l'Economie Française, le vélo sous toutes ses formes participe de manière très significative à la décrue de la circulation automobile en ville et en zone périurbaine.

Mais en fait la manière la plus utile de dépenser cet argent aurait probablement été de former tous les gestionnaires de voirie des collectivités locales pour qu'ils aient envie de bien faire en matière de pistes cyclables et de garages à vélo. On ferait ainsi effet de levier sur les dépenses de voirie de ces entités, qui sont de loin les premiers clients du BTP. Apprendre aux enfants des rudiments de code de la voirie est aussi une excellente idée.

A ce propos, le modeste cycliste occasionnel que je suis propose aux élus locaux quelques petits conseils pour améliorer le sort des convertis à la pédale :

- tous les cyclistes ne vont pas à la même vitesse. Il faut donc permettre le dépassement entre cycles avec des voies assez larges

- éviter les itinéraires mixtes piétons/cyclistes. La personne qui va au travail à 25 km/h - et qui ne va pas se limiter à 5 km/h à cause de ce qui suit - n'a pas grand chose en commun avec le piéton qui déambule à 5 km/h.

- évitez de mettre des chicanes aux intersections. Elles causent plus d'accidents qu'elles n'en évitent (en particulier par temps de pluie quand la chaussée est glissante) parce que tout cycliste cherchera à la passer avec le maximum d'élan pour éviter de forcer pour ré-accélérer derrière.

- limitez au maximum la cohabitation avec les voitures. Ces dernières ont une fâcheuse tendance à occuper tout l'espace et à dépasser de manière imprudente. Accessoirement, les routes étant payées avec les impôts locaux et non avec l'argent des seuls automobilistes, il n'y a aucune raison pour que le/la cycliste (qui paye autant d'impôts locaux que les automobilistes) ait droit à moins de voirie que les conducteurs d'engins motorisés.

- prévoyez suffisamment de places dans les parkings à vélo.

- et surtout faites appel à des personnes “qui savent“ !

Merci :)
Pour l'économie et l'environnement, il faudrait que nous soyons motivés pour acheter “un peu cher“ des produits solides, réparables, fabriqués en France et constitués de matériaux obtenus dans de bonnes conditions écologiques. La sobriété, dans le domaine vestimentaire, consiste en effet avant tout à acheter le moins possible de vêtements qui vont durer le plus longtemps possible.

Ce n'est pas exactement le modèle économique de la “fast fashion“, qui pousse à l'exact inverse. Faut-il acheter le plus de fringues possibles pour être heureux ? Question subsidiaire : cette frénésie d'achat existerait-elle s'il était impossible d'envoyer des photos de soi (ou “d'influenceurs“) sur les réseaux sociaux ?

“on“ me répondra que ce genre de commerce rend bien service à des gens qui n'auraient pas le moyen de s'habiller autrement. Rester tout(e) nu(e) ou se vêtir grâce à Shein ? Si cela était exact, la clientèle ne serait probablement pas essentiellement composée de jeunes et d'adolescent(e)s : le profil type de la personne dans le besoin est plutôt la mère célibataire ou le retraité au minimum vieillesse... et n'habite pas vraiment dans le Marais !

Et, pour ces profils là, il existait déjà des circuits pour s'habiller pour pas cher : les dons de vêtements, les solderies ou les boutiques Emmaüs par exemple, auxquels se rajoutent désormais l'occasion sur les sites en ligne.

Dans le cas présent, il s'agit plutôt de capitaliser sur des traits de comportement comme l'achat compulsif, la recherche de statut, ou l'ivresse de la nouveauté. Evidemment la sobriété n'est pas vraiment à la fête !

La question que pose cette “ruée vers la fringue jetable“ est la suivante : comment faire de la sobriété un enjeu de statut ? Comment faire en sorte que la société valorise de ne pas acheter une tonne de vêtements plutôt que l'inverse ?

Rendre les adolescents (et en l'espèce surtout les adolescentes) moins sensibles aux sirènes de la mode jetable, alors que cette tranche d'âge rêve de codes d'appartenance et de séduction, est probablement une entreprise de très longue haleine...

Il y a une solution plus radicale (et probabmeent plus efficace) : interdire la vente de vêtements qui ne respectent pas des conditions minimales sur le plan de l'environnement ou des droits sociaux des travailleurs. L'Europe l'a fait ou va le faire pour un certain nombre d'autres produits déjà : pourquoi pas ceux là ?
Hier soir, peu avant minuit, l'Allemagne a déconnecté du réseau les 3 derniers réacteurs nucléaires qui lui restaient. C'est l'occasion de proposer quelques chiffres issus d'un site www.energy-charts.info géré par le Fraunhofer Institute.

En 2002, notre voisin possédait 22,5 GW de capacité nucléaire (https://bit.ly/3mEyVXA ) qui ont produit 156 TWh (1 TWh = 1 milliard de kWh) d'électricité (https://bit.ly/3L3mWMs ). La production nucléaire a baissé à mesure que la capacité nucléaire baissait.

En 2002 toujours, ce pays possédait 20 GW de puissance électrique utilisant du lignite (le charbon de mauvaise qualité qui s'exploite dans de grandes mines à ciel ouvert comme celle ci : https://bit.ly/41fBCxO ) et 28 GW de charbon, avec des productions qui étaient respectivement de 140 et 110 TWh. En 2022 c'est moins : en gros 19 GW de chaque, produisant respectivement 105 (lignite) et 55 TWh dans l'année. En cumul sur la période, lignite et charbon ont produit 4700 TWh, émettant 4,7 milliards de tonnes de CO2.

Imaginons que les allemands aient décidé de fermer prioritairement le charbon et de garder le nucléaire. A supposer que tout leur nucléaire ait pu durer 20 ans (hypothèse simplificatrice mais acceptable en ordre de grandeur puisqu'aux USA tout le nucléaire est validé pour 60 ans), lignite et charbon n'auraient émis que 1400 TWh (car le nucléaire comme le lignite et le charbon tournent essentiellement en base).

Bilan de l'affaire : à politique identique sur les ENR (car garder son nucléaire ne l'empêchait en rien de développer éolien, solaire, biogaz, etc) l'Allemagne aurait économisé 3,3 milliards de tonnes de CO2, soit environ 5 années d'émissions de la première économie d'Europe (ou environ 20% de ses émissions annuelles).

L'Europe ne lui demandera aucun compte sur ce résultat. Pourtant, à bien y regarder, c'est plus grave, ou moins grave, que de ne pas respecter le déficit budgétaire ?
La température de surface atteint actuellement 48°C - vous avez bien lu, presque 50°C - à Verkhojansk, au delà du cercle arctique (https://lnkd.in/d9wuEN2). Il fait quasiment 40°C à Vancouver (https://lnkd.in/dN2Pd-T ) où la normale en juin est de... 15 °C (https://lnkd.in/dMpatbB ). Les forêts des Rocheuses se mettent à brûler comme jamais (https://lnkd.in/dZpcFGQ ).

Et que nous propose TF1 au 20h au même moment ? Un reportage à la gloire des 4x4, “indispensables“ aux Emirats où ils font la joie des touristes (venus en avion) qui font joujou avec ces machines (sauf ceux qui veulent “quelque chose de plus sportif“ et qui font... du quad).

A aucun moment le journaliste ne mentionne le CO2 associé, ni ne pose la question de savoir comment concilier ce qui est montré avec la lutte contre le changement climatique, qui sera pourtant - rarement il est vrai - au centre d'un autre sujet du journal télévisé sur la même chaine.

C'est juste moi, ou il y a quand même quelque chose d'un peu bizarre au royaume du 20h d'une grande chaine nationale ?
L'A69 sera donc construite, dixit le gouvernement, qui ne voit pas de raison d'en décider autrement, “puisque ce projet est décidé démocratiquement et légal“. Si l'on s'en tient aux chiffres, ce tronçon d'autoroute pris isolément engendrera indiscutablement des impacts environnementaux qui restent dans l'épaisseur du trait à l'échelle du pays :

- il accueillera un trafic de 12.000 (en ordre de grandeur) véhicules par jour. En supposant qu'un trajet sur cette autoroute fait 50 km aller simple et est effectué par un véhicule consommant 6 litres aux 100, cela fait 40.000 tonnes de CO2 à la fin de l'année, soit 0,06% des 64 millions de tonnes de CO2 émises chaque année par les voitures essence et diesel du pays. Au surplus, l'arrivée de l'autoroute n'induirait pas la totalité de ce trafic puisqu'une large partie serait du report.

- pour les poids lourds on aboutirait aussi à une contribution additionnelle faible au regard des 29 millions de tonnes de CO2 émis par ces engins dans l'année en France métropolitaine

- en imaginant une largeur de 25 mètres pour une autoroute à 2 voies de chaque côté (https://t.ly/QnfTO ), et en rajoutant 20% pour les voies d'accès et aires de stationnement, cette infrastructure recouvrira 150 hectares environ, soit 0,8% des 20.000 hectares artificialisés par an en France (https://t.ly/k1-SZ ), ou même 0,6% des 25000 hectares artificialisés en Occitanie sur les 10 dernières années (https://t.ly/dBSMM ).

- un millier d'arbres seront abattus. Notre forêt comporte environ 10 milliards d'arbres (https://t.ly/5on_Z ) : on parle donc de 0,00001% des arbres nationaux concernés par le projet.

Au vu de ces chiffres, on se dit que si l'avenir du pays dépendait absolument de la réalisation de cette autoroute, on pourrait s'accommoder de ses impacts. Mais voilà : tout comme Notre Dame des Landes ou l'urbanisation du Plateau de Saclay, nous avons affaire ici à un projet “légalement anachronique“, c'est à dire parfaitement conforme aux lois et règlement, mais initié il y a des décennies, et qui n'est plus du tout en phase avec ce que l'avenir nous réserve.

En 1994, quand il est question de créer une 2x2 voies, la Convention Climat a 2 ans, le Zéro Artificialisation Nette n'existe pas, les insectes sont 3 à 4 fois plus nombreux, le déclin pétrolier de la Mer du Nord n'a pas eu lieu, et le revenu net des ménages augmente tous les ans (ce n'est plus le cas depuis 2010).

Faire cette autoroute signifie implicitement que l'avenir va ressembler au présent. Mais l'affirmer à la population est lui faire une promesse intenable : la voiture va devenir de plus en plus difficile d'accès (pic pétrolier + accidents économiques), et les prévisions de trafic à 20 ans ne vont pas se réaliser. D'ici là on va juste gagner un peu d'étalement urbain.

Si le BTP local veut absolument dépenser 450 millions d'euros, il vaut mieux faire 4500 km de pistes cyclables. Ca désengorgera tout autant la circulation et sera plus en phase avec l'époque.
L'avion, ce n'est que 2% des émissions de gaz à effet de serre sur terre, et par ailleurs c'est un formidable outil de liberté individuelle, qui doit donc être préservé. Il y a plus urgent à faire ailleurs !

Ce discours, qui reprend deux éléments factuellement exacts, même si le premier est discutable (en ajoutant les traînées de condensation la part de l'aviation est plus proche de 4%), peut cependant se présenter différemment.

L'avion sert rarement à se chauffer ou à faire pousser des pommes de terre. Sa fonction est de promener des gens (surtout) et des marchandises (un peu). La bonne base de comparaison est donc plutôt l'assiette de nos déplacements.

Et encore : l'avion sert rarement à aller au travail tous les jours. Une encore meilleure base de comparaison est celle de nos déplacements longue distance (plus de 80 km du domicile). En France, 90% de ces derniers sont liés à nos loisirs.

A ce moment, l'avion ce n'est plus du tout 2%. Ce mode de transport, en France, devient majoritaire dans la consommation d'énergie des déplacements longue distance, ainsi que dans les émissions (en plus sans l'effet trainées de condensation dans le graphique ci-dessous ; source The Shift Project dans le plan de transformation de l'économie française).

Dans l'autre sens, les 3/4 des vols en avion servent à nos loisirs. Sont-ils essentiels pour découvrir le monde ? Une partie aide très certainement à faire cela : ceux qui permettent à des jeunes d'aller passer des mois loin de leur base arrière, immergés dans des cultures, des situations professionnelles ou des lieux qui les aideront à comprendre le monde.

Mais ces jeunes peuvent tout aussi bien prendre une ou deux semaines pour se déplacer en pareil cas, sans compter que ce “voyage lent“ leur apprendrait bien plus encore sur le monde que les quelques heures qui les transfèrent d'un aéroport à un autre.

Et on me permettra de douter du côté essentiel du rapprochement des peuples pour la partie - importante sinon dominante - des vols qui servent à aller faire du tourisme urbain pour photographier des monuments que l'on pourrait tout aussi bien découvrir par la lecture, aller dans des villages de vacances ou des hôtels fréquentés par d'autres touristes, passer deux soirées en boîte de nuit, ou acheter des sacs à main aux Galeries Farfouillette (un des motifs de voyage des chinois !).

Bien sûr que nous sommes fiers d'avoir su damner le pion à Boeing et d'avoir construit ces merveilles volantes. Mais demain nous pourrions tout aussi bien mettre notre génie créatif au service d'un “besoin“ nouveau : celui de ne pas mettre à mal la stabilité climatique plus que ce qui provoque déjà des sécheresses et vagues de chaleur inédites en Europe du sud pour un mois d'avril.

Parvenir à ce que le statut social ne soit plus proportionnel aux km parcourus pendant ses vacances n'est-il pas aussi un défi exaltant à relever que d'avoir envoyé des engins de 500 tonnes à 10 km du sol ?
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Comment est-il possible que plus de 500.000 personnes vivent en zone inondable dans la région de Valence ? Telle est la première question posée par Les Echos à Cristina Monge, professeur de sociologie à l'université de Saragosse, après les inondations spectaculaires qui viennent d'avoir lieu dans cette région : https://t.ly/rn5WM

A cela l'intéressée répond en gros que c'est difficile d'imaginer l'inimaginable, c'est à dire ce qui n'est jamais arrivé, et donc tout le monde fait comme si il ne devait se passer, à l'avenir, que ce qui s'est déjà produit dans le passé, alors même que le monde scientifique nous dit que la situation ne va pas rester stable.

De fait, les animaux que nous sommes, pilotés par leurs sens avant tout, ont beaucoup de mal à se prémunir contre quelque chose qui n'a jamais été vu auparavant. Se prémunir contre l'incendie, nous comprenons : nous avons déjà vu une forêt, une voiture ou une habitation partir en flammes.

Se prémunir contre les orages, la drogue, les tremblements de terre, les armes à feu, ou la polio, nous comprenons aussi, parce que nous avons aussi déjà vu les dégâts des orages, de la drogue, des tremblements de terre, des armes à feu, ou de la polio.

Mais comment se motiver à se prémunir contre un réchauffement climatique qui n'a jamais existé ? Eh bien... le plus probable est que, malheureusement, il n'y aura pas d'anticipation à large échelle. Quelques acteurs vont s'en occuper, mais la société dans son ensemble se prépare à avoir un ou plusieurs trains de retard.

L'action d'ensemble va donc au mieux suivre les premières claques et non les précéder. Le hic, c'est que l'inertie de la dérive climatique d'une part, et la diminution de nos marges de manoeuvre avec le temps (car c'est en gros l'énergie disponible qui conditionne la capacité de réponse), font que, quand les premières claques arrivent, il est trop tard pour en éviter d'autres plus méchantes encore.

Une deuxième difficulté peut survenir. Il est vraisemblable que, dans la région de Valence, les habitants ne vont pas être invités à aller se loger ailleurs. On va reconstruire sur place, en “durcissant“ les villes. Mais on va les “durcir“ en prévision de la répétition de ce qui s'est déjà produit, ou en prévision de pire ?

Cette décision n'est pas anodine à court terme, puisque plus le danger contre lequel on veut se couvrir est important, plus cela mobilise de ressources et coute cher de le faire. En période de moyens contraints, il n'est pas sur que l'on reconstruise en prévision de pire...

Il faut qu'à quelque chose malheur soit bon : puisque nous ne réagissons qu'après coup aux premières claques, puisse celle que nos voisins espagnols viennent de recevoir invite les décideurs de notre pays à se préoccuper un peu plus d'adaptation qu'aujourd'hui.

NB : la CSRD comporte un volet “adaptation“. Michel Barnier et Antoine Armand, sommes nous surs qu'il est “urgent de ne pas embêter les entreprises avec ça“ :) ?
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Aurélien Barrau est physicien, mais il est aussi philosophe. Dans cette conférence donnée récemment aux élèves de l'X, dans laquelle il leur explique “en toute amitié“ qu'ils s'apprêtent à se mettre au service d'un système de destruction globale de notre environnement - l'économie productiviste, c'est le philosophe qui est le plus intéressant.

On pourra ne pas être d'accord avec les points de vue qu'il défend. On pourra se dire que c'est plus vite dit que fait d'organiser la société en fonction des souhaits de notre orateur. On pourra lui reprocher une ou deux inexactitudes ici ou là dans les chiffres qu'il cite (car il en cite beaucoup !).

L'essentiel n'est pas là. L'essentiel est dans les questions qu'il pose, et la réflexion sur les valeurs et le sens des mots à laquelle il nous invite. J'espère que mes jeunes camarades, qui ont eu la chance d'écouter cette intervention alors qu'ils n'ont pas encore décidé ce qu'ils feront dans la vie, se souviendront longtemps de cette “leçon de philosophie“ un peu particulière, qui restera d'actualité leur vie durant.

Et, bien évidemment, j'espère aussi que cette intervention, délibérément déstabilisante, fournira à toutes celles et tous ceux qui la regarderont matière à voir les choses sous un angle nouveau.
Dans le domaine économique, cela ne choque personne quand on affirme que “il ne faut pas dilapider son capital“ : nous apprenons tous que notre train de vie doit être financé par nos revenus annuels et non par la vente de nos actifs.

Pourtant, dans le domaine “naturel“, nous avons beaucoup de mal à faire pareil. Un des exemples emblématiques est celui de la pêche : il est facile de comprendre que, pour que nous ayons du poisson demain, il faut pêcher aujourd'hui ce qui se renouvelle dans l'année, et pas plus.

Pour les poissons (comme pour les arbres), quand on commence à détruire le stock au lieu de vivre de sa production annuelle, on ne peut pas durer très longtemps.

Pour la pêche en mer, les prises ont arrêté d'augmenter depuis 30 ans désormais. Elles sont à peu près stables, un peu au-dessus de 90 millions de tonnes par an (https://t.ly/cJ-Wz ), mais elles ne sont pas durables car la fraction des stocks surexploités augmente depuis cette période (https://t.ly/oajiD ).

L'exemple de la morue sur les bancs de Terre Neuve l'a montré : un stock qui s'effondre peut ne pas se reconstituer, même après arrêt de la pêche. Il est donc essentiel de protéger les stocks avant qu'ils s'effondrent.

Pour cela, un dispositif a fait ses preuves : les aires marines protégées. Il s'agit de zones où, comme leur nom l'indique, la vie est protégée. Sauf que, en France, ces aires protégées ne le sont en pratique pas vraiment. On peut y faire à peu près ce que l'on fait dans les zones pas protégées.

Après Bloom, c'est au tout de Greenpeace de militer pour un renforcement de la protection de ces zones : https://t.ly/9pGX7 . Il se trouve que cela est dans l'intérêt des pêcheurs eux-mêmes : sans prélèvements, ces zones deviennent des “nurseries à poissons“, et, si les prises y deviennent impossibles, celles faites en-dehors de la zone augmentent (et surtout peuvent durer).

Le sujet, en pareil cas, est celui du “passager clandestin“ : chaque pêcheur doit être certain que, s'il joue le jeu, il ne va pas se faire passer devant par un autre pêcheur qui ne le jouera pas. L'efficacité de ces aires marines protégées va donc avec un contrôle efficace du respect de la protection, et des conditions économiques viables pour les pêcheurs concernés.

A la différence du climat, où les émissions de tous les pays se valent, la (sur)pêche est un problème plus local. Les harengs de Baltique ne se déplacent pas dans le Pacifique, et la surpêche en Thaïlande ne concerne pas les langoustines du Golfe de Gascogne.

Même si les Chinois (premiers pêcheurs au monde) font “n'importe quoi“ dans leurs eaux domestiques, protéger les eaux européennes profitera aux prises européennes, qui baissent actuellement sur à peu près toutes les espèces : https://t.ly/IqZeP

Il y a des exemples réussis de protection : Islande avec la Morue ou Baie de Saint Brieuc avec la coquille saint jacques. Alors espérons qu'un terrain sera trouvé pour réellement généraliser ce système.
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Après les français qui parlaient aux français pour évoquer le destin du pays, voici les polytechniciens qui parlent aux polytechniciens pour évoquer le destin (décarboné) du pays. Roland Lescure, ci-devant ministre de l'industrie, et ancien locataire des lieux, est venu parler à ses jeunes successeurs du charme discret du boulon de 12 décarboné.

Cet appel est en fait assez fondamental. Les “vieilles“ écoles d'ingénieurs françaises (l'X, Centrale, les Mines, les Ponts, l'Agro, etc) ou des moins vielles (Supaéro, Supelec, INPG...) ont souvent été créées pour servir un grand projet politique du pays : bâtir des infrastructures (Ponts), exploiter des ressources naturelles (Mines), nourrir le pays (Agro), servir l'armée (l'X), développer l'industrie (Centrale), etc.

Face aux enjeux des 19è et 20è siècles ont donc été créés des institutions aptes à y répondre. Aujourd'hui, faut-il faire une école d'ingénieurs spécialisée pour “faire de la décarbonation“ ? Cela n'aurait pas vraiment de pertinence : cette transition étant systémique, il n'y a aucune raison de ne former qu'une partie des futurs acteurs de l'économie et pas les autres. Tout le monde doit y passer.

Mais il y a par contre tout à fait du sens à appeler les élèves d'un établissement donné à incorporer ce défi dans leur métier, quoi qu'ils fassent par la suite (sachant que certains métiers sont plus appropriés que d'autres pour contribuer à ce projet !).

Et, en ce qui concerne celui qui a accueilli mes fonds de pantalon il y a quelques (!) années, et qui a été créée pour servir les grands projets de l'Etat, il me semble plus qu'opportun d'inciter mes jeunes camarades à s'atteler à la tâche.

Berceau de futurs hauts fonctionnaires et dirigeants du privé, l'X doit se donner pour défi de motiver ses élèves à s'attaquer à la (ré)conciliation de nos activités et de nos envies avec les limites planétaires. Il s'agit tout à la fois d'une révolution industrielle, des transports, de l'énergie, mais aussi de l'économie ou encore du droit : pour coordonner l'ensemble il nous faut des systémiciens, et ces derniers devront bien sortir de quelque part.

Maintenant, les élèves ne vont pas y arriver seuls. Il leur faut les bons enseignements, et derrière ils doivent se mettre au service des bons projets. La première partie est du ressort de l'Ecole, qui doit mieux adapter son enseignement aux défis du temps présent (pour le moment ce n'est pas assez le cas).

La deuxième est du ressort du pouvoir en place. Pour mettre qui que ce soit au service d'un grand projet, il faut que ce dernier existe. Pour le moment, il y en a des petits bouts ici et là, au milieu d'un océan d'injonctions contraires. Après avoir opportunément appelé les élèves à “s’atteler à la révolution de la décarbonation“, il faut que notre ministre aille expliquer à son gouvernement qu'il serait temps de mettre ladite révolution en route pour de vrai.
Il y a quelques semaines, il a fallu qu'un citoyen suisse - Guillermo Fernandez - se mette en grève de la faim pour que le conseil fédéral (l'équivalent de notre conseil des ministres, sauf qu'ils ne sont que 7) accepte de recevoir une formation sur les enjeux climatiques : https://lnkd.in/ehBc6e_5

En France, nous arriverons peut-être au même résultat grâce à l'initiative d'un sénateur, qui vient de déposer un projet de loi comportant un article unique, proposant que les élus prennent obligatoirement connaissance des résultats du GIEC dans le cadre de leur mandat : https://lnkd.in/ejznc62n

Fait à noter, ce projet de loi ne vient pas du gouvernement, mais pas non plus des écologistes (ou même de la gauche). Il est par contre totalement en accord avec les propositions du Shift Project !

J'espère que l'intérêt supérieur de notre avenir primera sur le jeu partisan, ce qui n'est jamais gagné (j'espère que le sénateur n'aura pas besoin de faire une grève de la faim pour faire voter son projet de loi !).
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Les défis environnementaux que nous avons désormais à résoudre, parce que nous essayons de faire tenir sur une planète qui est ce qu'elle est 8 milliards de bipèdes qui vivent comme des Occidentaux ou qui aspirent souvent à le faire, ont en général un cadre scientifique et technique qui les définit.

C'est le cas pour le réchauffement climatique, pour l'abondance - ou pas - des ressources énergétiques et minérales, pour la biodiversité (ou sa disparition), pour la pollution, etc. En fait, je ne connais pas un seul problème environnemental où il soit possible de bien comprendre de quoi il retourne sans passer par la case “exposé scientifique“.

Il est tentant, de là, de penser qu'une population avec un bon niveau de culture scientifique générale sera plus à l'aise pour bien comprendre l'enjeu et débattre des solutions possibles, et cela que les personnes concernées soient cuisiniers, chauffeuses de bus ou comptables.

Cela explique pourquoi, il y a quasiment deux décennies, j'avais rédigé un petit billet à l'attention des collégiens et lycéens, sur le fait que “faire des maths“ gardait ouvertes toutes les options pour “plus tard“, même si on voulait devenir vigneron ou menuisier : https://t.ly/1ly70

Je n'ai pas du être très persuasif, car depuis quelques années c'est à l'exact inverse que l'on assiste. De 2019 à 2022, les bacheliers scientifiques ont été divisés... par deux, nous ramenant 30 ans en arrière en ce qui concerne les effectifs concernés.

Et, ce qui explique le titre de l'article ci-dessous, rédigé par Mélanie Guenais, maîtresse de conférence en maths, cette baisse a été encore plus marquée pour les filles que pour les garçons. Il y a en fait une cause plus directe que la non lecture de mon article :) à cette chute : la réforme du lycée mise en place par Jean-Michel Blanquer quand il était ministre.

On pourrait se dire que ce n'est pas très gênant d'enseigner beaucoup moins de maths au lycée. Après tout, avec les 4 opérations et un peu de géométrie on peut se débrouiller dans l'essentiel des situations de la vie courante.

Mais cette évolution en prépare d'autres qui seront peut-être plus ennuyeuses :
- d'abord un éloignement encore plus marqué des femmes des postes d'ingénieurs et de techniciens, alors que ce sont des professions qui sont structurantes pour orienter l'usage des techniques, et donc de la société dans son ensemble (et par ailleurs ca gênera la parité à l'embauche à Carbone 4...)
- et ensuite une baisse de la compréhension du monde “physique“ qui nous entoure par la classe dirigeante, et une baisse de notre capacité à conceptualiser ledit monde physique, alors qu'il faudrait précisément faire l'inverse si nous voulons nous mettre en meilleure posture.

Tout comme pour les creux causés par les guerres dans la pyramide des âges, ce manque actuel aura des répercussions “plus tard“, auxquelles il sera difficile de pallier le moment venu. Peut-être faut-il rapidement réformer la réforme :) ?
En quelques années seulement, le taux de réussite des forages d'exploration à terre (pour trouver du pétrole) est passé de 50% à 10% : 5 fois moins ! En mer, la chute est moins brutale, mais elle est régulière : ce taux de succès est passé de 40% à 25% sur les 10 dernières années.

La recherche des gisements de pétrole, c'est comme la chasse aux oeufs de Pâques : ceux que l'on trouve en premier sont les plus gros et/ou les moins bien cachés. L'exploitation est alors facile et le prix du pétrole produit est bas.

Plus le temps passe, plus les découvertes de pétrole baissent en volume (elles baissent depuis les années 1960, et sont devenues inférieures à la production depuis 1980), et plus les gisements découverts sont petits et/ou très bien cachés, donc chers à exploiter (et rapidement vidés).

Le pétrole, c'est la corne d'abondance du 20è siècle. Sans pétrole, pas de mondialisation, pas de civilisation urbaine (dépendante des transports longue distance pour tout ce qui y est acheminé), pas de plastiques, d'huiles, de détergents et de vêtements synthétiques, pas de routes (car pas de bitume !)...

Il n'y a pas que le climat qui va nous faire souffrir à l'avenir. L'autre mâchoire qui se referme doucettement, c'est la contraction pétrolière.
Y a-t-il une malédiction de l'EPR ? Le premier de la série, lancé en Finlande à l'époque d'Areva, devait coûter un peu plus de 3 milliards et être construit en 4 ans. Il se sera finalement écoulé 17 ans entre le début de sa construction et sa connexion au réseau (https://t.ly/WcTAA ), avec un prix multiplié par 3.

Les deux autres chantiers européens n'ont pas été beaucoup mieux lotis. A Flamanville, le cout initial était aussi de quelques milliards d'euros, et il aura été multiplié par 7 à l'arrivée (en incluant les frais financiers sur la durée du chantier), avec un retard d'environ 12 ans : https://t.ly/h7jYK

A Hinkley Point C, la paire de réacteurs devait couter 18 milliards de livres et être prête en 2027. Le cout final a déjà doublé, et le calendrier prendra plusieurs années de retard.

L'EPR a une puissance électrique de 1.600.000 kW environ. Avec des couts à terminaison qui se promènent entre 10 et 20 milliards, cela amène le cout par kW installé dans une fourchette de 6000 à 12000 euros. Rappelons que le parc historique, en France, a plutôt été construit pour environ 1500 euros (d'aujourd'hui) du kW installé.

Et puis il y a la Chine. Ce pays dispose aussi de 2 EPR, à Taïshan, qui ont certes connu des retards à la construction, mais pas du tout dans les mêmes proportions.

L'essentiel des réacteurs en service de l'Empire du Milieu a été construit en moins de 6 ans (voir statistiques sur https://t.ly/vd2zo ), ce qui est du même ordre que ce qui a eu lieu en France au moment de la construction du parc en service.

Les EPR chinois, eux, en ont demandé 9. Cependant, la Chine a aussi construit 4 réacteurs AP 1000, qui est le modèle de 3ème génération de Westinghouse, et cette construction a aussi demandé 9 ans par réacteur. Plus compliqué, c'est donc plus long, mais 2 à 3 ans de retard ce n'est pas 12 !

Et par ailleurs, même si les salaires chinois ne sont pas les salaires français, le cout à terminaison des EPR y est de 3000 euros du kW, soit 4 fois plus bas que celui de Flamanville.

S'il y avait une “malédiction du nucléaire“, on devrait constater les mêmes dérapages partout, ce qui n'est pas le cas. Il semble donc bien y avoir un problème européen, voire français. Les hypothèses (pas exclusives l'une de l'autre) se sont multipliées, et il est très difficile de se faire un avis “de l'extérieur“ :
- le design, franco-allemand, est trop compliqué
- après 20 ans sans construction, l'organisation interne d'EDF ne sait plus gérer des gros projets
- le tissu industriel sous-jacent présente des faiblesses
- certaines règles de l'ASN sont devenues disproportionnées avec l'enjeu...

“Gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge“, disait Voltaire. En Europe, le nucléaire a finalement assez bien résisté à ses ennemis. Mais, si coûts et délais ne sont pas rapidement “normalisés“, il se pourrait qu'il ne résiste pas très bien à ses amis.

Il n'y aurait pas lieu de s'en réjouir : chaque électron décarboné nous sera précieux !
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Dans les secteurs qui n'ont pas du tout souffert du covid, tout le rebours, il y a... le vélo. La petite reine n'a jamais bien porté son nom : selon cet article des Echos, il s'en est vendu plus de 3 millions l'année dernière, soit 50% de plus que des voitures une année “ordinaire“.

Malheureusement, il reste du chemin avant que ces ventes ne profitent pour l'essentiel qu'à l'économie française. Les industriels tricolores ne fabriquent plus d'équipements (dérailleurs, freins...), quasiment plus de cadres, et une petite partie de l'assemblage seulement est fait chez nous (l'article ne précise pas où sont fabriquées les batteries des vélos électriques). Cela s'inscrit dans un contexte général où 2/3 de nos biens de consommation sont importés.

Il n'y a certes pas que la fabrication dans l'économie du deux roues bi-mollet : l'aménagement de la voirie (BTP), les accessoires (vêtements, casques, saccoches...) et l'entretien (services) contribuent aussi à l'économie de l'ensemble. Il n'empêche : si, en même temps que l'on passe de la voiture au vélo, on pouvait passer d'automobiles importées à des vélos fabriqués pour l'essentiel chez nous, l'emploi y gagnerait en même temps que l'environnement.
En ces temps politiques troublés où les consensus transpartisans sont bienvenus, en voilà un qui ne va pas nécessairement simplifier la vie des instances européennes. Une tribune parue dans Le Monde, signée par 600 parlementaires français (il y en a environ 900 au total), demande à la présidente de la Commission de mettre un terme aux négociations entre l'Europe et le Mercosur pour aboutir à un traité de libre échange : https://t.ly/fwjIa

Le Mercosur, c'est un marché commun qui date de 1991 et qui regroupe l'Argentine, le Brésil, le Paraguay l'Uruguay, et la Bolivie. Le projet consiste donc à unifier ce marché là avec le marché européen, en supprimant les droits de douane entre les deux.

Du côté américain, cela facilitera notamment les exportations de commodités agricoles, dont ces pays sont de gros producteurs, et de l'autre côté cela créera un nouveau marché pour les produits manufacturés européens, dont les voitures.

Nous sommes là dans le cas typique d'un projet qui nait dans une époque où il peut éventuellement faire sens, mais, le temps que les négociations avancent, il se retrouve en porte-à-faux avec les objectifs sociétaux ou économiques qui ont changé.

Dans l'intervalle, la question climatique a pris beaucoup d'importance. L'Union européenne a notamment voté un règlement interdisant la déforestation importée (c'est à dire la possibilité de vendre en Europe un produit agricole qui a nécessité de la déforestation récente pour pouvoir être produit). Comment concilier cela avec une suppression des restrictions aux exportations ?

Les restrictions d'usage dans les pays du Mercosur ne sont pas non plus les mêmes sur les pesticides ou les antibiotiques. Comment concilier le libre échange avec des contraintes qui sont plus fortes dans une des deux zones ?

Et, dans l'autre sens, faut-il favoriser l'exportation de voitures qui restent encore aujourd'hui essentiellement des voitures thermiques alors que le monde doit baisser ses émissions ?

Dans le monde politique, il est très difficile d'arrêter les “coups partis depuis longtemps“, parce que l'on se rend compte que l'on s'apprête à faire une bêtise car le monde a changé.

Dans un registre tout à fait différent, le Grand Paris (pour urbaniser encore plus l'Ile de France) ou Notre Dame des Landes étaient des projets qui existaient dans les cartons depuis des décennies, et à aucun moment les promoteurs du projet n'ont posé le crayon en se disant “maintenant ça n'a plus de sens“.

Le libre-échange est ce qui a conduit à la création de l'Union européenne, et correspond au courant de pensée né il y a des décennies qui y voit l'optimum géopolitique.

Mais le monde change, et ce système présente de plus en plus d'effets de bord, environnementaux mais aussi sociaux et économiques. Renoncer à ce que l'on croyait être pertinent, parce que le contexte est devenu très différent, est-ce de la faiblesse ou au contraire du courage ?
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Comment traverser l'océan quand on ne souhaite plus prendre l'avion ? Ce mode de transport ne pèse certes “que“ 2% des émissions planétaires, mais comme, une année donnée, il n'est emprunté que par une fraction des habitants de cette planète (et la moitié des vols se concentre sur une toute petite partie de la population, qui le prend plusieurs fois dans l'année), sur l'empreinte carbone d'un Européen un seul vol long courrier ajoute facilement 20% - voire plus - par rapport à la moyenne.

Il était déjà possible de parcourir tout un continent sans voler, et de manière relativement décarbonée (car en général le refus de recourir à ce mode de transport est surtout lié à l'aspect CO2) : bus, train, vélo, voire cheval ou parapente pour les plus originaux le permettent, à condition, bien sur, de disposer d'un budget temps - et parfois financier - en conséquence.

Si l'on considère que le but premier du voyage n'est pas d'aller le plus loin possible le plus souvent possible, et que de toute façon une vie ne suffit pas à tout voir (donc il faut accepter que l'on ne “découvrira“ pas l'ensemble du monde, et ce n'est pas très grave), se passer d'avion n'est donc pas nécessairement l'impossibilité de découvrir quelques lieux lointains mais situés sur le même continent.

Mais l'océan restait une barrière infranchissable. Avant le covid, il était possible de s'embarquer sur un cargo, mais les petites bêtes ont eu raison de l'essentiel de cette offre, qui ne pouvait concerner qu'une infime fraction des passagers aériens de toute façon.

Ca ne concernera aussi qu'une infime partie des passagers aériens, mais les puristes disposant du temps, du budget et du préavis (un an à l'avance !) auront désormais quelques places pour traverser l'Atlantique dans un cargo à voiles : https://lnkd.in/eDrVYpTC

Au lieu de 8 heures et de quelques centaines d'euros, il faudra compter 13 jours (pour arriver à Baltimore, port de commerce de la Côte est des USA) et 3000 euros (qui sont pour l'essentiel la conséquence du fait qu'il y a l'équivalent de 13 journées en pension complète associées au voyage...).

On ne saurait mieux illustrer que le carbone a fait gagner du pouvoir d'achat. Exprimés en heures de smic, les billets d'avion long courrier ont vu leur prix divisé par 10 en quelques décennies, et l'offre devenir massive en termes de volumes.

Avant le pétrole, traverser l'Atlantique était le voyage d'une vie. Après le pétrole, il est probable que cela redeviendra largement le cas. Du coup, tant que nous pouvons utiliser un peu (de moins en moins) de pétrole pour prendre l'avion, la sagesse ne commanderait-elle pas de limiter cet usage à quelques occasions rares dans une vie ?
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Après l'aérien, c'est au tour du maritime de faire l'objet d'un article des Echos qui a un peu de mal avec les ordres de grandeur. Il est question d'un fonds géré par Eurazeo (20 milliards d'euros sous gestion, un des plus gros investisseurs dans le non coté en France) qui va consacrer 300 millions - un gros pour-cent des encours, donc - à la “bascule écologique du maritime“.

50% - 150 millions - financera “des bateaux neufs“. On aurait pu enlever le pluriel : un gros porte-conteneurs (il y en a 5000 dans le monde : https://lnkd.in/dVxPede ) coute... 150 millions. 1 sur 5000, ca fait un peu juste pour une “bascule“, non ?

L'article indique ensuite que de baisser la teneur en soufre des carburants “vise à réduire les émissions totales de gaz à effet de serre du maritime“. Manque de chance, le SO2 n'est pas un gaz à effet de serre, mais un “précurseur d'aérosols“, et contribue à... refroidir le climat (https://lnkd.in/deCX9i2 ).

C'est évidemment une bonne idée de financer du mieux plutôt que du moins bien. Mais l'idéal serait de donner les chiffres, juste les chiffres (et des chiffres vérifiés par des tiers indépendants, comme pour les euros) et de laisser le lecteur décider par lui-même si c'est une “bascule“ ou pas.
Les Shifters se muent en tripot ! Enfin pas tout à fait, mais presque. Un petit groupe d'entre eux a développé - il a fallu quelques années pour ca - un jeu où le but n'est pas de risquer ses économies, mais juste... le climat de la planète.

Le seul point commun avec le poker est qu'il y a des cartes, mais sinon il s'agit d'un jeu de plateau avec les caractéristiques suivantes, qui sont évidemment le plus ressemblantes possibles à ce qu'il se passe dans la vraie vie :

- les joueurs ne jouent pas les uns contre les autres mais... les uns avec les autres. Seule une coopération permet de “gagner la partie“ puisque l'évolution du climat dépend de ce que font tous les joueurs !

- il faut éviter à la fois le réchauffement climatique et les conséquences de la déplétion pétrolière : on se rapproche donc du monde réel et il n'y a pas de croissance verte :)

- plus le temps passe et plus les mauvaises surprises viennent gêner l'action planifiée

- il y a un temps limité (36 tours) pour arriver à diviser les émissions par 3, exactement comme dans le monde réel il reste un peu moins de 36 ans pour faire de même

- les joueurs incarnent des experts, et selon l'employeur au service duquel ils sont ils bénéficient d'un réseau d'influence particulier (mais pas de tous : personne n'a de superpouvoirs).

Il y a évidemment quelques détails supplémentaires sur la page présentant le jeu. Comme on ne peut pas créer les exemplaires à l'unité (et que c'est un jeu de plateau, donc pas sur écran :) ), pour avoir un premier lot il faut trouver 500 personnes au moins désireuses d'en commander un exemplaire, pour 45 euros le kg (moins cher que le filet de boeuf, moins carboné, et pouvant servir plus d'une fois) pour aller de l'avant.

Si ca vous intéresse c'est par ici 👇
Je ne sais pas si le Haut conseil pour le climat va réussir à être utile pour limiter le changement climatique, mais à tout le moins il peut déjà revendiquer une valeur ajoutée pour les enseignants.

Le site du HCC vient en effet de mettre en ligne, en même temps que le dernier rapport d'évaluation, un fascicule de graphiques qui seront peut-être appréciés par pour tous ceux qui cherchent des infographiques pédagogiques sur les émissions et sur certaines conséquences de la dérive climatique : https://lnkd.in/dhxmjah

On y trouve par exemple cette carte - pas rassurante - sur l'évolution de la sécheresse des sols, selon l'horizon temporel, pour un scénario de réchauffement global atteignant 3°C en 2085.

On y trouve également une comparaison rarement faite sur les émissions par personne et par secteur (transports, industrie, énergie, etc) en Europe, qui donnera surement lieu à des débats intéressants !
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Pour celles et ceux qui n'avaient pas le temps, ou pas l'envie, de lire les 288 pages du document d'avancement du “plan de transformation de l'économie française“ sur lequel l'équipe du Shift Project travaille d'arrache-pied depuis quelques mois, il y a désormais une synthèse en 50 pages seulement.

Ce n'est pas encore une version définitive, puisque ce document, qui permet de “savoir où nous en sommes“ va aussi servir à... discuter. En effet, avec l'aide des Shifters, va démarrer une consultation aussi large que possible d'autant de monde que possible pour essayer de comprendre à quels efforts nous sommes collectivement prêts, et comment les propositions du Shift Project sont comprises et perçues.

Disons que ca sera notre convention citoyenne à nous :)
Il est fréquent de dire que le remplacement d'un véhicule par un véhicule qui consomme moins permet d'éviter des émissions de CO2, et est donc une bonne affaire.

Cela n'est vrai, rappelle cet article de Carbone 4, que si le véhicule remplacé sort du parc (donc est détruit), et à la condition que l'ensemble “émissions de fabrication + émissions d'usage“ du nouveau véhicule soit inférieur aux émissions d'usage de l'ancien. Rappelons que, ramenée à sa durée de vie, un véhicule neuf “émet“ de 30 à 60 grammes de CO2 par km au titre de sa fabrication (aciérie, chimie, verre, métaux non ferreux, transports intermédiaires...).

Par ailleurs, l'essentiel du temps le véhicule remplacé continue à être utilisé, mais pas toujours dans le pays d'origine. 2 millions de véhicules d'occasion quittent ainsi l'Europe chaque année, et ils contribueront à des émissions “ailleurs“. A ce moment là, remplacer le véhicule en Europe n'économise pas d'émissions, car le parc en circulation passe d'un véhicule d'occasion à un neuf plus un d'occasion.

Il faut donc se soucier de ce que devient le véhicule remplacé, et des performances respectives du nouveau et de l'ancien véhicule. La vie n'est pas toujours “si simple“ !
Il n'y a pas que sur terre que 2022 a été chaude : pour l'ensemble de l'océan mondial, l'année passée a été la plus chaude depuis le début des relevés.

On le dit peu souvent, mais en fait 90% de l'énergie supplémentaire amenée à la surface de la planète par le supplément d'effet de serre réchauffe les océans et non la surface de la terre. C'est un phénomène lent mais massif, qui engendre derrière des conséquences en cascade :

- l'élévation de température est une agression en tant que telle pour de nombreux organismes marins (par exemple les coraux dont 15% sont déjà morts, et à 2°C de réchauffement global les coraux tropicaux auront probablement disparu pour l'essentiel)

- cela affaiblit le puits océanique car l'eau chaude dissout moins bien le CO2 que l'eau froide (c'est pour cela que dans le passé l'élévation de température précède l'augmentation du CO2 : lorsque la modification des paramètres astronomiques de la terre réchauffait climat, l'océan se mettait ensuite à dégazer du CO2 - qui incidemment amplifiait encore le réchauffement)

- l'eau chaude étant moins dense, cela stratifie l'océan : l'eau chaude surnage en surface et ne communique plus avec les eaux plus profondes, plus froides. Cela diminue la teneur en oxygène de l'eau de l'océan profond et donc la vie marine associée

- l'eau se dilate quand elle chauffe : plus l'océan chauffe vite et plus son niveau monte vite. En retour cette hausse du niveau de la mer et ce réchauffement de l'eau déstabilisent de manière accélérée les langues terminales des glaciers des calottes polaires qui du coup se désagrègent plus vite, en produisant plus rapidement des icebergs qui font encore plus monter le niveau de l'eau...

- une eau de surface plus chaude favorise l'apparition de phénomènes cycloniques plus intenses (ce qui se constate déjà)

Bref que l'océan chauffe vite n'est pas juste une affaire de température de l'eau quand on va se baigner. Comme pour d'autres aspects du changement climatique, cela va engendrer des discontinuités qui, à mesure que le temps passera, seront de plus en plus amples et peu sympathiques.

Il reste peu de temps pour bien comprendre les risques et organiser au mieux la société pour ne pas trop en souffrir...
Par rapport à la température moyenne du début du 20è siècle, la température planétaire a déjà augmenté de plus de 1°C : environ 1,2 , avec une augmentation de l'ordre de 0,18°C par décennie.

Cela signifie que dans 15 ans, plus ou moins quelques années, nous pourrons jeter au panier l'accord de Paris qui dit que nous devons limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.... d'ici à 2100.

En fait, les 1,5 ont déjà été dépassés sur les terres émergées, qui se réchauffent plus vite que la moyenne, pendant que du côté de l'océan c'est l'inverse.

A 1,2 °C, nous avons déjà mis en route la fonte de l'essentiel de la calotte groenlandaise, nous ne sommes peut-être plus très loin de celle de l'Antarctique de l'Ouest (les deux combinés c'est potentiellement une élévation du niveau de la mer de plus de 10 m), nous voyons une partie de la forêt française dépérir, et 20 millions d'hectares ont brûlé en Australie (liste non limitative !).

Si nous pensons que “c'est trop dur“ de changer nos chaudières, avoir des petites voitures et faire du vélo, acheter moins d'objets, ou devoir changer de métier dans le cadre de la reconversion de l'économie, cela ne va hélas pas nous garantir pour l'éternité contre la douleur et la peine. Elles seront juste “ailleurs“, et - un jour - plus fortes.
Cet été aura apporté une preuve de plus que l'évolution climatique est porteuse de risques pour les activités humaines, et malheureusement ces risques vont aller croissant.

Pour renforcer son équipe dédiée à cette problématique, Carbone 4 recherche un consultant senior “adaptation et résilience“ : https://lnkd.in/dDSBuN3s

Si les informations (pas terribles) des deux derniers mois vous motivent pour essayer d'apporter votre petite pierre à l'édifice, c'est le moment !
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Thomas Gauthier est enseignant à l'EM Lyon, c'est à dire un de ces établissements que l'on appelle une “business school“. La grande majorité des élèves qui en sortira se dirigera vers des grandes entreprises, ou des entités qui en vivent (conseil), ou des entités pour lesquelles l'activité économique globale conditionne la “marche des affaires“ (banque, finance).

Son domaine est la stratégie d'entreprise. Mais sa conviction est qu'il n'est pas possible de traiter de cette discipline aujourd'hui comme si demain allait être, à trois détails près, la répétition d'hier. Dans son activité d'enseignant et de chercheur, il a donc un dada : déstabiliser.

De manière constructive évidemment, son but est de faire sortir ses interlocuteurs de leur zone de confort pour qu'ils gagnent en hauteur de vue.

C'est donc très naturellement que j'ai eu droit, dans le podcast “No(s) Limit(e)s“, à 3 questions que je n'avais jamais eues avant, et qui témoignent indiscutablement d'une certaine créativité dans la manière de passer ses invités à la casserole.

Jugez en plutôt. La première question est celle-ci : “Alors ça y est, vous y voilà, vous êtes face à l’oracle. Quelle question lui posez-vous ?“. Petit sous-titre pour bien comprendre : il s'agit de formuler une question pour laquelle on n'arrive pas à avoir de réponse, alors que l'on pense qu'elle est déterminante pour organiser sa réflexion ou son action.

Deuxième question : “Vous voilà désormais archiviste. Selon vous, quel événement clé, méconnu voire même inconnu, a marqué l’histoire et se fait encore sentir aujourd’hui ?“. Là, il s'agit de citer un événement passé dont “les gens“ (et les media !) ne comprennent pas - ou pas assez - l'importance qu'il a joué dans la structuration du monde actuel.

Dernière question : “Vous voilà enfin acupuncteur. Selon vous, quelle décision, quelle action, quelle intervention pourrait aujourd’hui contribuer significativement à la fabrique d’un monde habitable ?“. Il faut donc se creuser la cervelle pour trouver un “point d'appui pour soulever le monde“, c'est à dire identifier, dans toutes les actions possibles, celle dont on pense qu'elle aurait le plus gros effet d'entraînement possible si elle pouvait se matérialiser.

Autant dire que j'étais presque autant à l'aise, quand j'ai reçu les questions, que quand j'ai du attaquer mon devoir de philo au bac, auquel j'ai eu la magistrale note de 6/20.

L'avenir dira si je m'en suis mieux sorti quelques années après le lycée !
Obama contre Trump : qui est le plus écolo des deux ? Facile ! L'un était à l'évidence un ardent défenseur du climat, pendant que l'autre éructe à longueur de tweets qu'il n'a pas la moindre compassion pour un hérisson.

Mais... tout dépend ce que l'on regarde. De 2009 à 2016 (mandat d'Obama), la consommation de charbon - le plus “sale“ des combustibles fossiles - des USA a baissé de 131 millions de tonnes équ. pétrole (Mtep), soit 16 Mtep par an.

Sous Trump, de 2016 à 2019, la baisse a été de 70 Mtep, soit 23 par an : 40% de plus !

Si la baisse du charbon est le premier “juge de paix“ en matière de climat (dans le monde financier c'est souvent cet indicateur qui est utilisé pour jauger la “vertu environnementale“ d'un acteur), alors force est de reconnaître... que Trump est plus écolo qu'Obama.

“Il y a un loup“, ce n'est pas possible ! En fait il y a bien un loup : les conséquences des décisions peuvent mettre de très longues années à s'incarner, et par ailleurs les déterminants de l'évolution peuvent être très différents de ce que les media en disent.

En l'espèce ni Obama ni Trump n'ont été à l'origine de cette diminution : c'est le gaz de schiste à bas prix - qui a démarré bien avant Obama - qui s'en est chargé, en “chassant“ le charbon de la production électrique.
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Si nous voulons limiter le réchauffement planétaire à 2°C, une partie des gisements de pétrole, de gaz et de charbon ne pourront pas être exploités jusqu'à leur terme : il y a trop de combustibles fossiles déjà inventoriés (et en cours d'exploitation) sous le sol pour que nous puissions tout brûler si cette limite en température doit être respectée.

Or, l'exploitation de ces gisements fournit des revenus aux opérateurs qui servent ensuite à rembourser les banques qui leur ont prêté - et continuent de leur prêter - l'argent nécessaire aux investissements. Ces mêmes banques peuvent également détenir, au titre de leurs investissements en propre, des actions et obligations d'opérateurs “fossiles“.

L'Institut Rousseau s'est livré, avec des données et des compléments méthodologiques fournis par Carbone 4, à un travail intéressant : quantifier l'argent que perdraient un certain nombre de grandes banques si l'accord de Paris devient mieux qu'un bout de papier.

Le résultat est que “l'exposition brute aux actifs fossiles d’un certain nombre de banques excède le niveau de leurs fonds propres“. Dit autrement, avec la méthode utilisée par l'Institut Rousseau, et qui est évidemment différente de celle (inappripriée à mon avis) utilisée lors des exercices de “stress tests bancaires“ demandées par le régulateur, le respect de l'accord de Paris leur ferait faire faillite.

Or, une faillite de grande banque a des effets systémiques sur l'économie. Si nous étions sérieux, ce point devrait donc être beaucoup plus sérieusement investigué par le régulateur, et la transition des banques bien plus fortement encadrée par le législateur.
Il n'y a pas que les entreprises qui doivent s'armer pour affronter le défi énergie climat (et d'autres). Les territoires aussi. Dans tous les territoires, ville ou campagne, mer ou montagne, l’organisation actuelle dépend au premier chef des hydrocarbures : les camions – et souvent avant eux les bateaux - acheminent nourriture, vêtements, pièces de rechange pour les réseaux d’eau, et un milliard d’autres choses ; ils évacuent la production des champs et usines ; voitures et avions amènent les touristes sur lesquels reposent presque 10% des emplois du pays ; notre réseau électrique européen ne fonctionne plus sans centrales à gaz et tout territoire dépend de l’électricité…
 
L’avenir de notre pays va nous confronter à deux évolutions inexorables : la baisse – déjà enclenchée par épuisement géologique – de l’approvisionnement en pétrole, gaz et charbon, et l’intensification d’une dérive climatique causée par l’ensemble des émissions mondiales (et pas juste les émissions françaises).
 
En même temps que tous les flux sur lesquels repose notre organisation actuelle vont se contracter, l’évolution climatique va devenir plus adverse. Une première publication du Shift Project (https://lnkd.in/dfWN5cBP ) avait proposé un certain nombre de propositions que tout exécutif local devrait avoir à cœur de mettre en œuvre pour préparer au mieux son territoire contre l’adversité croissante, et saisir les opportunités s’il y en a, et en particulier :
- former d’urgence les élus et les fonctionnaires territoriaux à la compréhension du problème, complexe et protéiforme, pour ensuite partager cette compréhension avec les acteurs locaux.
- ne plus mettre en route des projets qui vont aggraver l’adversité
- modifier la gouvernance (plus transversale et moins en silos) et de se doter d’une stratégie qui soit cohérente avec le contexte.
 
Pour faciliter le passage à l’action, il a paru pertinent au Shift Project de décliner cette approche en fonction des particularités des territoires. Selon que nous nous adressons à une métropole, une plus petite ville, la campagne, la montagne, le littoral, ou l’outre-mer, la manière d'attaquer la question varie.
 
Une série de webinaires, qui démarre Mardi 11 octobre, présente ces nouveaux travaux. Comme tout ce que fait le Shift Project, c'est public, et c'est gratuit !
Entre le véhicule thermique (celui avec le moteur à explosion que presque tout le monde utilise) et le véhicule électrique, il existe un intermédiaire : le véhicule hybride rechargeable. Il possède un moteur thermique et un moteur électrique, ainsi qu'un réservoir de carburant et une batterie.

Il peut se “recharger“ soit en faisant le plein de carburant, soit en branchant la batterie sur le réseau. L'avantage ? Il “tire“ prioritairement sur la batterie, roulant ainsi en mode électrique quelques dizaines de km, puis c'est le moteur thermique qui prend le relais, et ce moteur peut aussi recharger la batterie. Par ailleurs si on décélère sans freiner, l'énergie cinétique du véhicule est récupérée pour alimenter la batterie.

En théorie, il devrait donc consommer moins qu'un véhicule “à pétrole“, raison pour laquelle la Commission le “crédite“ d'émissions au km significativement plus basses que son homologue 100% thermique.

Las ! La vraie vie montre que les émissions sont en pratique les mêmes, surtout si l'on tient compte d'émissions de fabrication supérieures. Il permet donc, le plus souvent, de se donner une bonne conscience écolo alors que rien n'a changé. En France, il vaut beaucoup mieux s'acheter un véhicule purement électrique, ou, mieux encore, se passer de voiture !
Nous avons donc un pape, ou plus exactement un premier ministre. Un de ses premiers défis va être de trouver de l'argent, puisque la Commission nous fait les gros yeux pour déficit public excessif.

Et pile poil à ce moment là, la Cour des comptes vient de publier un avis sur la fiscalité énergétique (https://t.ly/Sglor ), qui rapporte aujourd'hui 60 milliards d'euros par an, et dont Les Echos résument l'essentiel dans cet article : https://t.ly/WeDyx

La fiscalité de l’énergie est un sujet qui fâche un peu dans notre pays (en fait la bonne question serait plutôt de savoir quel impôt ne fâche personne !). Peut-être est-ce du pour partie à ce que la Cour pointe comme étant un peu de confusion dans la finalité de cette fiscalité.

Si nous reprenons du début, tout impôt peut poursuivre l'un des 2 buts suivants :

- il peut viser à fournir à l'Etat des recettes pérennes. On parle alors d'impôt de rendement, et en pareil cas il doit utiliser une base de taxation qui est large, stable, et se placer à un niveau qui ne dissuade pas l'acte générateur de la fiscalité

- il peut avoir pour objet d'orienter le comportement du consommateur, par exemple en le dissuadant de consommer, ou de trop consommer, certains produits. C'est en théorie le cas pour le tabac ou l'alcool. A l'inverse, il peut aussi encourager une consommation, en étant allégé pour certains produits ou consommateurs.

Le problème, c'est que les recettes fiscales étant une denrée précieuse, l'Etat rechigne toujours à mettre en place de la fiscalité incitative qui le soit vraiment, parce que cette fiscalité a précisément pour vocation de faire disparaître la base sur laquelle elle repose (idéalement les taxes sur le tabac devraient permettre un arrêt complet de la tabagie), et donc les recettes qui vont avec.

Ces réticences sont d'autant plus vives quand le “trou dans la caisse“ est de 30% de ce que gagne l'Etat (soit 105 milliards de déficit sur 348 de recettes : https://lnkd.in/ecvUiigJ ), et que les taxes concernées (en l'espèce celles sur l'énergie) en rapportent 60 ! (TVA comprise).

L'Etat reste alors facilement au milieu du gué avec cette catégorie de prélèvements (la fiscalité incitative), afin d'en faire... un impôt de rendement.

Et c'est bien ce qui est arrivé à la fiscalité de l'énergie, qui n'est désormais ni un pur impôt de rendement (la partie carbone est un impôt censément dissuasif), ni un pur impôt dissuasif (on compte sur ces recettes pour financer la dépense publique “ordinaire“, et pas juste pour financer la décarbonation du pays).

La Cour appelle donc l'Etat à aller plus loin dans le sens de la fiscalité incitative. Mais elle énumère des conditions pour que cela soit acceptable : qu'il existe des alternatives pour les ménages, que les recettes aident prioritairement les ménages modestes, et enfin qu'à terme on trouve des recettes pour remplacer celles qui vont baisser avec la consommation d'énergie fossile.

Joli défi pour le nouveau gouvernement !
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On le dit et on le répète : le transport est le mauvais élève en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Ils émettent certes 2 fois plus que le deuxième poste, qui est l'industrie et la construction, mais, depuis désormais 20 ans, ils émettent quand même de moins en moins.

Pas assez vite pour être dans les clous de l'Accord de Paris (il faudrait -5% par an), mais il n'empêche, ca baisse !

Et le graphique ci-dessous (réalisé par votre serviteur avec les données du CITEPA, qui réalise les inventaires d'émission en France) montre que cette baisse se fait de manière assez régulière, la crise de 2009 et celle de 2020 ne provoquant que des indentations sur une tendance qui ne change pas beaucoup.

NB : VP signifie Véhicule Particulier, VUL Véhicule Utilitaire Léger, PL Poids Lourd, GPL Gaz de Pétrole Liquéfié et GNV Gaz Naturel Véhicule. Les véhicules particuliers c'est donc la moitié des émissions des transports terrestres, les poids lourds environ 20%, et les utilitaires légers environ 15%.

Pourquoi les émissions des transports baissent-elles depuis le début des années 2000 ? Aurions-nous mis en route dans les années 1990 des politiques publiques particulières qui auraient commencé à produire leurs effets 10 ans plus tard ? Quand on voit l'absence d'effet du choc pétrolier de 1974 (et des mesures qui ont suivi) sur la trajectoire des émissions des transports, on peut en douter.

En fait, il y a un élément qui semble un bien meilleur candidat : le pic de production du pétrole conventionnel dans le monde en 2008, qui a été précédé par un long plateau de production démarré en 2004.

Dans un monde produisant moins de pétrole (le “pétrole de schiste“ a pris le relais au début des années 2010 seulement, jusqu'en 2018, année qui reste à date celle du maximum de production de pétrole dans le monde), et où en plus l'Europe est en compétition croissante avec les “émergents“ (dont la Chine), l'Europe n'a tout simplement pas pu en importer plus après cette date.

Par ailleurs, le pic de production de la Mer du Nord, principale zone de production domestique, a eu lieu en... 2000.

Même si nos transports émettent plus que ce qu'il faudrait au regard de l'enjeu climatique, ils émettent déjà de moins en moins à cause d'une contrainte externe : celle de l'approvisionnement en pétrole. La voiture électrique ne peut expliquer la baisse jusqu'à récemment (et en fait récemment ca ne baisse pas plus vite !).

Plus généralement, quand un gouvernement annonce de bons chiffres sur les émissions, cela n'est en fait quasiment jamais à cause de lui :). Si cela résulte d'une politique publique, elle aura été mise en route par ses prédécesseurs (les effets sont rarement instantanés), mais cela peut aussi résulter d'une pression extérieure (ex : la hausse des prix ces dernières années) qui ne doit rien à l'action publique.

Cela n'empêche pas de s'en réjouir, mais une bonne attribution des causes est essentielle pour ne pas faire d'erreurs pour l'avenir !
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Electriques ou pas, la mobilité de demain pourra-t-elle compter (et doit-elle compter) sur autant de voitures qu'aujourd'hui ? Cet article de Carbone 4 propose un certain nombre de faits pour alimenter ce débat :

- quel que soit son mode de propulsion, une voiture demande de 1 à 2 tonnes de matériaux (essentiellement des métaux) pour déplacer en moyenne 1,2 ou 1,3 personne pesant moins de 100 kg

- la congestion, l'occupation de l'espace et l'artificialisation des sols par les infrastructures routières et une partie du bruit ne disparaissent pas avec la propulsion électrique

- la pollution aux particules fines ne disparaît pas avec l'électricité : il reste celle due à l'abrasion des pneus et de la chaussée, et l'analyse de l'Ademe citée dans l'article n'inclut pas les particules issues de la production électrique pour les pays qui font une partie de leur électricité au charbon

- enfin, même bas carbone, une voiture ne favorise pas l'exercice physique, alors que l'absence de ce dernier est désormais reconnu comme étant une source de pathologies diverses.

La décrue annoncée des moteurs à combustion interne est donc l'occasion de repenser plus largement la nature des véhicules que nous utilisons pour nous déplacer, et les infrastructures associées.

Notons à ce propos que le pétrole ne sert pas qu'à faire une partie des voitures (plastiques, huiles, chimie organique) et à la propulser : il sert aussi à faire l'infrastructure sur laquelle nous nous en servons ! (bitume).
Notre comportement électoral dépendrait-il de nos intestins ? Ce n'est pas totalement impossible, à en croire cet article des Echos, qui relaie les résultats d'un article publié dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) : https://t.ly/Vhyfv .

Ledit article suggère en effet que l'état de notre microbiote influe sur notre perception de l'injustice, laquelle a probablement joué un rôle dans le résultat électoral d'hier.

Ce n'est du reste pas le seul effet qui a été documenté sur le lien entre cerveau et intestin : l'état de ce dernier joue aussi sur la santé mentale, cette dernière allant d'autant mieux que les bactéries - aussi nombreuses dans le tube digestif que les cellules dans notre corps - sont les bonnes et bien portantes.

Voilà un élément de plus qui vient rappeler, s'il le fallait, que de s'occuper de physique, chimie et biologie - donc d'environnement au sens large - n'est pas juste un luxe de personnes n'ayant pas de problème de court terme : ces derniers, lorsqu'ils se manifestent, sont plus souvent qu'il n'y paraît en lien avec des évolutions “environnementales“ de long terme.

On peut faire un deuxième parallèle entre le contexte politique et cet article sur le microbiote. La cause racine d'une évolution sociétale peut aller se nicher bien ailleurs que là où nous avons fixé notre regard.

Ainsi, depuis 2007, si nous regardons le PIB tout va (presque) bien. Mais l'évolution “réelle“ de l'économie européenne depuis que le pétrole conventionnel a passé son pic (2007 ± 1 an) est probablement plus proche de ce que reflètent les urnes.

En effet, plus personne ne sait exactement ce que ce PIB signifie en termes “physiques“, alors que la réalité ressentie par une fraction croissante de nos concitoyens depuis 15 ans est bien celle d'un monde qui devient moins facile.

Le découplage, il faut l'avoir en tête, signifie que le PIB peut augmenter alors que, en pratique, il devient plus difficile de se déplacer (ce qui est physique), de se loger (idem), de se nourrir (idem), et de se procurer n'importe quel bien matériel, des vêtements à la brosse à dents, en passant par le téléphone et les cosmétiques.

Si l'on en juge par les tonnes chargées dans les camions, qui diminuent en tendance depuis 2007 en France et en Europe, un “nouveau normal“ est en train de prendre place chez nous : un accès à des biens et services matériels qui se complique pour une partie croissante de la population, parce que l'énergie sous-jacente devient aussi plus difficile d'accès.

La carte électorale d'hier (https://t.ly/bl3-s ) montre ainsi de manière spectaculaire des “cerveaux urbains“ des métropoles qui ne réalisent pas encore la situation alors que le “microbiote rural et des petites villes“ lui le ressent plus fortement.

Renouveler l'assemblée n'y changera malheureusement rien si les futurs locataires n'ont pas de plan en rapport avec l'état physique de l'organisme. C'est bien cet objectif qui est le premier à viser.
C'est une version moderne d'Astérix chez les Helvètes, à ceci près que je n'ai pas de moustache, et que la potion magique est disponible pour tout le monde : elle s'appelle le pétrole.

Lundi dernier, j'ai été invité à donner une conférence à l'Université de Genève dans le cadre d'une remise de prix (https://lnkd.in/e2neP29n ). La trame ne surprendra personne ayant déjà regardé une de mes interventions, mais j'ai quand même essayé de faire un petit effort de contextualisation, avec les données suisses pour l'énergie utilisée dans le pays, le PIB par personne ou l'empreinte carbone.

Cela étant, adapter le discours était, pour une large part, à peine nécessaire : la Suisse et la France modernes présentent beaucoup de similarités quand on parle des “modes de vie“.

Des deux côtés de la frontière, il y a des voitures, des usines, des avions, des logements et des bureaux, des vaches et des tracteurs, des vêtements à profusion et une civilisation de l'acier, du ciment, des engrais et des plastiques.

Plus généralement, l'énergie abondante a largement gommé les différences de modes de vie entre pays quand bien même leur système politique est très différent : il y a beaucoup moins de différences entre le quotidien d'un Chinois et d'un Français de 2023 qu'il n'y en a entre n'importe lequel des deux et un Européen de 1800 !

Pour en revenir aux deux riverains du Lac Léman, il y a assurément quelques différences, par exemple d'organisation politique (la Suisse est un état fédéral), de production électrique (elle est essentiellement décarbonée, mais la part de l'hydro est bien supérieure), de part de l'industrie (2 fois plus élevée en Suisse qu'en France) ou de pouvoir d'achat.

Certaines valeurs quantitatives de l'exposé sont donc différentes. En particulier, gagnant plus d'argent que nous, nos voisins consomment plus, et ont en conséquence une empreinte carbone par personne supérieure (l'électricité domestique est décarbonée dans les deux cas de figure). Autant pour la réputation de “propreté“ du pays, où l'herbe est parfois tondue le long des sentiers de montagne !

A l'occasion de cette intervention, j'ai aussi été interviewé un peu longuement (20 minutes) par la Radio Television Suisse (https://lnkd.in/epCA-k52 ). Au menu, limites planétaires et décroissance, climatoscepticisme, espoir et renoncement (rien que de très ordinaire :) ).

Bonne(s) écoute(s) pour celles et ceux qui iront tendre une (ou deux) oreille(s) !
Les Echos relaient une prévision de l'Agence Internationale de l'Energie faisant état d'une possible consommation de pétrole de 102 millions de barils par jour (en moyenne sur l'année), qui serait un plus haut historique, et pas du tout en phase avec les engagements climatiques.

Mais... si l'on regarde la production mensuelle de pétrole brut dans le monde, fournie par l'Energy Information Agency, elle se montait à un peu moins de 81 millions de barils par jour en 2022 (https://t.ly/7Byn3 ).

Comment peut-on consommer 100 en produisant 82 ? C'est que, avec le temps, le terme de “pétrole“ s'est mis à désigner de plus en plus de choses qui n'en sont pas vraiment.

Le “vrai“ pétrole désigne essentiellement un produit qui est liquide à température et pression ordinaires, et qui est composé de molécules formées de carbone et d'hydrogène, avec au moins 5 atomes de carbone par molécule. Ce pétrole n'est pas utilisé tel quel : il est raffiné pour donner des produits divers, incluant certes des carburants, mais aussi des huiles, cires et goudrons du côté “lourd“, et des molécules de base pour la pétrochimie (le naphta) du côté “léger“.

Mais dans la production de “pétrole“ il y a désormais aussi les “liquides de gaz“. Ils désignent l'ensemble de l'éthane, du propane et du butane (soit 2 à 4 atomes de carbone). Ces molécules sont contenues dans certains gisements de gaz (ce qui rend le propriétaire du gisement heureux car leur valeur économique unitaire est supérieure à celle du gaz lui-même), et sont récupérées par séparation en sortie de puits.

On ne parle pas de quantités anecdotiques : avec l'essor du gaz (plus tardif que celui du pétrole), ces liquides de gaz (NGL en anglais) représentent désormais presque 13 millions de barils par jour.

A la différence du pétrole brut dont la production n'augmente plus depuis 2018, les liquides de gaz sont eux en progression aussi rapide que celle du gaz. Mais ces molécules ne servent que peu à faire des carburants, et encore moins des huiles ou cires. Par contre elles peuvent servir de base dans la chimie organique (le schiste a fortement “dopé“ la chimie américaine de base).

A cela il faut aussi ajouter les agrocarburants : 4 millions de barils par jour, en progression (dont plus d'un tiers aux USA, qui y consacrent 40% de leur maïs).

Et enfin, il y a une petite subtilité liée à l'emploi de barils : quand on passe du brut aux produits raffinés, le volume total augmente alors que le contenu énergétique diminue ! C'est du au fait que de casser les molécules du pétrole brut en molécules plus petites augmente le volume. Et voici un peu plus de 2 millions de barils par jour de “pétrole“ en plus (https://t.ly/hvugR )

82 + 13 + 4 + 2 : nous voici donc à 101 millions de barils par jour de “pétrole“. Mais pour savoir ce qui se passe réellement côté demande, il serait plus pertinent de fournir un contenu énergétique net en sortie de système d'extraction et de traitement. Le baril n'est pas une unité d'énergie !
C'est un paradoxe : la “taxe carbone aux frontières“, censée protéger l'économie européenne contre les importations, pourrait avoir au début l'effet exactement inverse !

Au moment de la mise en oeuvre du système des permis d'émission, qui limitait et/ou rendait payantes les émissions d'une grosse dizaine de milliers de sites industriels dans l'UE, un certain nombre d'assujettis - considérés comme particulièrement exposés à la concurrence internationale - ont reçu des quotas gratuits pour leur éviter de subir une augmentation des coûts de production les handicapant face à leurs compétiteurs extra-européens.

L'Union a ensuite décidé, pour traiter ce problème, d'instaurer un système improprement appelé “taxe carbone aux frontières“, qui oblige en pratique les importateurs de produits extra-européens à acheter autant de quotas qu'il y a de CO2 contenu dans les importations.

Mais voilà : la nomenclature douanière comporte 10.000 codes différents (https://t.ly/Ox2I ), au sein desquels il faudrait pouvoir en outre disposer d'une segmentation permettant d'avoir le contenu carbone en fonction du pays de provenance et des modes de fabrication (rien que pour les batteries cela peut engendrer un écart de 1 à 3 : https://t.ly/z0Eg1 )

Devant l'impossibilité de faire cela à court terme, l'Europe a décidé de se limiter dans un premier temps à quelques produits très proches des matières premières : acier, ciment, aluminium, ou produits chimiques de base, qui concernent 5% des codes de la nomenclature (571 sur 10.000).

Et comme on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, au même moment les quotas gratuits disparaissent. L'effet est neutre pour les secteurs couverts par l'ajustement aux frontières, mais négatif pour tous les autres.

Prenons l'exemple des machines à laver. Si elles sont fabriquées à l'étranger avec de l'acier et du plastique produits à l'étranger, elles n'ont pas supporté le coût du CO2. Elles ont alors un avantage sur les machines à laver faites en Europe avec de l'acier et du plastique qui ont payé des quotas (ou qui sont importés en payant des quotas).

Ce raisonnement est généralisable à tous les produits non concernés par l'ajustement aux frontières, et, en France, c'est 290 milliards d'importations sur 310 au total.

Le dispositif d'ensemble (ajustement carbone aux frontières sur des produits de base + suppression des quotas gratuits) diminue donc globalement les marges des industries européennes, et donc leurs capacités d'investissement (et l'attractivité pour la réindustrialisation).

L'idéal aurait évidemment été d'avoir d'entrée de jeu le contenu en carbone de tout ce qui rentre en Europe. Cela demanderait “juste“ d'embaucher suffisamment de comptables du carbone pour faire les calculs.

Admettons qu'il en faille 1000 ou 2000 : ca ne ferait que 2% à 4% des effectifs européens ou 1 à 2 personne par milliard d'imports. Si le but du jeu est de marier climat et préservation de l'emploi, ca vaut évidemment le coup.
Le mois de juillet ayant été “plus chaud que la normale“, notre pays vient de connaître une série de 14 mois consécutifs avec une “anomalie positive de température“, c'est à dire une température moyenne plus chaude que celle de la période 1981-2010, ce qui constitue un record depuis 1900.

Rappelons à nouveau que, quoi que nous fassions, la dérive climatique des 20 prochaines années est déjà “inscrite“ dans les émissions passées. Tout ce que nous pouvons constater dans ce qui est en train de se passer - records de sécheresse et de température - sera quoi qu'il advienne surpassé par des événements plus extrêmes encore dans les décennies à venir.

Dans ce contexte, le plus urgent n'est pas de “ressusciter“ l'industrie du passé. Il est bien de mettre sur pied la société de demain, qui tienne le choc qui s'annonce (et le minimise), et dont nous n'avons encore qu'un timide avant-gout.
Pour décarboner l'économie, c'est évident : il faut investir dans les énergies renouvelables ! Non, il est plus efficace d'investir dans le nucléaire, voyons. Mais, quand on fait les comptes, ce que vient de faire I4CE - Institut de l'économie pour le climat / Institute for Climate Economics avec son tout récent “panorama des financements climat“, il faut surtout... investir dans le reste : https://t.ly/amCWw

Depuis un certain nombre d'années, cet institut effectue un décompte des sommes “investies dans la transition“. En 2023, elles ont dépassé pour la première fois les 100 milliards d'euros. L'électricité bas-carbone y représentait moins de 20% de l'ensemble, le premier poste de dépense allant dans la performance énergétique du bâtiment, avec pas loin de 50 milliards.

Et encore, I4CE précise que l'étude n'intègre pas l'agriculture, l'industrie (qui vient de faire l'objet d'annonces sur les 50 sites les plus gros émetteurs), le traitement centralisé des déchets, l'utilisation des terres, l'adaptation au changement climatique, et la recherche et développement.

Y sommes nous pour autant ? La réponse est triplement non :

- d'abord ce panorama compte des euros, et non des km de pistes cyclables, des m2 rénovés ou des kWh bas carbone : l'inflation peut donc conduire à augmenter les coûts sans que les gestes “physiques“ n'aient augmenté, et en l'espèce en 2023 l'inflation explique une plus large part de la hausse des euros que l'augmentation du nombre de projets,

- ensuite le rythme de hausse a ralenti par rapport à 2022/2021 alors qu'il devrait accélérer

- en conséquence de quoi il manque encore environ 60 milliards par an (dans les secteurs couverts) pour que l'on soit sur la bonne trajectoire.

Et... il faut rappeler que l'argent ne se mange pas et n'isole pas du froid ou du chaud. Il n'est qu'une manière de préempter des compétences et des ressources, pour autant que ces dernières existent. “Simplement“ pousser à ce que les dépenses augmentent ne garantit donc pas le résultat.

Dans ces 100 milliards, les 2/3 proviennent du secteur privé (entreprises et ménages). C'est normal : l'Etat ne va pas payer tout le cout de la transition, même s'il peut (et doit) aider par la réglementation et la fiscalité.

Un tiers du total provient notamment des prêts commerciaux accordés par les banques à des entreprises et des ménages, d'où le débat sur les “taux d'intérêts verts“, évidemment plus bas que les “bruns“, et qui permettraient d'amplifier encore le mouvement.

En face de ces financements, détaillés dans le rapport par source, I4CE identifie pas loin de 60 milliards d'investissements qui eux soutiennent la consommation d'énergies fossiles. Il s'agit essentiellement d'achats de véhicules thermiques (qui de fait créent un “lock-in“ pour cet usage).

A nouveau, l'argent ne crée pas la ressource physique. Mais ce rapport constitue une très utile base de débat pour quiconque veut rapprocher transition de financement.
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Les Shifters ne sont pas un parti politique. Mais comme ils sont désormais plus de 15.000, ils se sont dit qu'ils méritaient bien une petite université d'été eux aussi. En l'espèce celle-ci aura lieu juste après que nous connaissions la composition de la nouvelle assemblée, les 25 et 26 juin prochains, dans la capitale des Gaules (à Lyon donc, et plus précisément sur le campus de la Doua, ce qui rappellera peut-être des souvenirs à certain(e)s !).

Comme l'année dernière, le programme comportera des plénières, des sessions parallèles, un village des initiatives, des fresques et ateliers, des films, et même... une séance de dédicaces de votre serviteur (qui n'est pas sur le programme mais qui aura bien lieu :) ) : https://lnkd.in/ehnwuzmW

Il y aura surtout plein d'occasions pour discuter, dans la joie et la bonne humeur (dont une fête le Samedi soir), malgré le sujet (ou à cause de lui !). Et peut-être quelques informations intéressantes à glaner ici et là : l'année dernière, c'est à l'Univershifté que, opur la première fois, patronat et syndicats nous avaient dit ensemble qu'ils étaient favorables à une planification pour décarboner le pays.

Les inscriptions c'est par là : https://lnkd.in/e4y44-9h

Venez nombreuses et nombreux !
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Si vous aimez la planète, prenez l'avion ! C'est ce que suggère l'image illustrant les initiatives prises en matière de climat par Air France, et ce n'est pas très loin d'être ce qui ressort du contenu de la page en question : https://lnkd.in/gXbP55b

A tout prendre, c'est évidemment mieux de faire quelque chose que rien du tout, mais il est dommage - et à mon sens contreproductif - d'en profiter pour confondre les ordres de grandeur...

Air France annonce 50% de baisse du CO2 d'ici 2030.... par rapport à 2005, et par passager.km ! Or, en 25 ans, une croissance annuelle moyenne du trafic de 5% (ce que l'on constate en gros) amène ce dernier à être multiplié par... 3. Les émissions globales feront donc +50% en 25 ans : ce n'est pas exactement la fin du problème !

Air France dit “compenser“ les émissions. Or cette notion est très discutable : https://lnkd.in/gxD6j83

Enfin était-il essentiel de parler du plastique à usage unique ? De Paris à New-York, chaque passager brule ≈150 kg de kérosène. Certes éviter 50 (?) grammes de plastique sur le même vol est toujours ca de pris, mais on en évite bien plus en restant sur terre :-)
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Les Jeux Olympiques pourraient-ils servir à augmenter la pratique sportive des Français ? Si l'on en croit un sondage relayé par Public Sénat (https://shorturl.at/MUAqa ), la réponse serait positive. Le but ici ne va pas être de discuter de la fiabilité du résultat, mais de se poser la question suivante : si tel devait être le cas, est-ce que ce serait une bonne ou une mauvaise nouvelle pour le climat ?

La réponse est probablement que... ça dépend ! Du côté des effets positifs, on peut imaginer les suivants (il s'agit bien d'hypothèses) :

- des personnes faisant plus de sport sont globalement en meilleure santé. Ils ont donc besoin d'un système moins “fourni“ pour s'occuper de les remettre en état après une maladie aigüe ou chronique. Or ce dernier représente 8% de l'empreinte carbone du pays (voir travaux du Shift Project sur la question : https://lnkd.in/etvw6Pvt ).

- plus on est en forme, moins on sera - normalement - rétif à marcher ou pédaler un peu, et donc on peut imaginer “qu'être en forme“ incite à utiliser un peu moins une voiture (idée un peu accréditée par cette enquête de l'INJEP : https://lnkd.in/eS7Twn79 )

- le sport détend (vive les endorphines !), et une personne moins stressée est peut-être plus apte à accepter des contraintes pour le bien commun

Mais il y a aussi des effets négatifs, pour le coup bien documentés :

- certains sports ne se pratiquent que dans des endroits bien précis (trail, ski, alpinisme, surf, voile, kayak...) et cela peut donner lieu à des déplacements longs dédiés pour la pratique ou l'entraînement. Il peut également y avoir des déplacements pour les matchs ou épreuves.

- il faut un minimum de matériel (ne serait-ce qu'une paire de chaussures de sport, mais parfois beaucoup plus entre les vêtements et les ustensiles), et parfois des infrastructures (piscines, stades, stations de ski, etc), et tout cela engendre des émissions.

Alors au final, bon ou mauvais ? Il est probable qu'une activité régulière, pratiquée “près de chez soi“ (et notamment accessible sans ou avec très peu de voiture), et ne nécessitant pas d'équipement lourd est une bonne affaire pour le climat en plus de l'être pour sa santé.

Si les JO pouvaient déclencher une augmentation significative de cette pratique sportive dans note pays, ils “compenseraient“ ainsi leur bilan carbone. Peut-être que ce devrait être un élément du cahier des charges pour les JO d'été que d'accroître la pratique sportive du quotidien dans le pays hôte ?

De fait, ce cahier des charges serait plus difficile à appliquer aux JO d'hiver, que la France vient de récupérer pour 2030. Ces derniers concernent essentiellement des sports qui restent peu accessibles à la population dans son ensemble, précisément parce qu'il faut se déplacer loin, avoir un équipement conséquent, et utiliser des infrastructures “lourdes“, et que rien de tout cela n'est gratuit.
Post image by Jean-Marc Jancovici
La version “grand public“ du dernier rapport du Haut conseil pour le climat est disponible. Une version “grand public“, c'est une version résumée et illustrée du rapport complet, reprenant les principales conclusions. Nous aurions donc tout aussi bien pu l'intituler “résumé pour décideurs“, puisque le processus de passage du rapport complet au rapport “grand public“ est exactement le même que le passage d'un gros document détaillé à un résumé exécutif, ou résumé pour décideur.

Ce document se termine par 5 recommandations :

- Clarifier des politiques publiques encore peu lisibles (c'est une manière polie de dire que la puissance publique se donne actuellement des objectifs contradictoires les uns avec les autres).

- Dans la foulée, finaliser sans attendre les “documents stratégiques“ (ou encore les documents de cadrage tels que plans d'action des ministères, SRADDET des collectivités locales, etc) et les mettre en accord vers les objectifs nationaux.

- Rendre les plans de relance “bas-carbone compatibles“ (pour le moment cet aspect là n'est pas assez pris en compte avant la décision).

- Améliorer les processus d’évaluation et de suivi des politiques publiques. Cette question de l'évaluation ex-post des politiques publiques pour les amender éventuellement - voire les supprimer - en fonction des résultats n'est pas propre au climat : c'est un vieux débat dans notre pays, comme dans beaucoup d'autres démocraties, où le slogan facile tient un peu trop souvent lieu de preuve, et où le renoncement par la puissance publique à une affirmation qui s'avère infondée relève de l'exploit.

- Intégrer systématiquement l’adaptation au changement climatique dans les politiques aux échelons national et territoriaux. De fait la dérive climatique va s'intensifier, et il faut en tenir compte dans toutes nos décisions.

Ce que ne préconise pas ce rapport, mais qui est implicite, c'est de former tous les fonctionnaires et tous les élus à la compréhension des enjeux. Car sans cela, nous mettons toutes les chances de notre côté pour constater que l'enfer est (parfois) pavé de bonnes intentions.

C'est du reste bien pour cela que la première recommandation du travail que The Shift Project vient récemment de publier sur la résilience des territoires (https://lnkd.in/dfWN5cBP ) est de consacrer 1% du budget des collectivités locales à de “l'acquisition de connaissances“ sur la question énergie - climat. Cette recommandation recouvre une bonne compréhension de la situation actuelle, des risques futurs et de leur hiérarchie, ainsi que du jus de cerveau sur les alternatives possibles pour l'avenir. Ne pas le faire avant de foncer tête baissée sur le slogan à la mode garantit de rater la cible à coup à peu près sûr.
Après 7 milliards, voici 10 milliards de plus pour un secteur qui consomme près de 10% du pétrole mondial, et toujours pas la moindre contrepartie climat sérieuse à l'horizon. Ah si, on aura peut-être UN avion à hydrogène en 2035, puisque Le Maire le veut (https://lnkd.in/gYmezbD ), que Les Echos appellent “avion vert “zéro émission“ de CO2“ (la charte de tout bon journaliste devrait désormais être de s'interdire de relayer du greenwashing !).\n\nNous sommes un peu loin de ce que, avec quelques règles de trois, on conclut au Shift sur les bons ordres de grandeur de ce qu'il faut faire dans ce secteur : https://lnkd.in/gh-PPNX\n\nIl reste du chemin pour que le gouvernement se réconcilie avec les règles de trois...

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